T'es où ?
Vous avez sans doute remarqué que la première et inévitable phrase que tout accro du portable qui se respecte annone quand il se saisit de son instrument préféré reste la célébrissime "T'es où ?".
La question ne se posait pas il y a quelques années où de toutes façons nous étions tous accrochés à un "fixe" (comme on dit maintenant) avec son fil en tortillon toujours emmêlé qui envoyait valser le téléphone dès que vous décrochiez et raccourcissait votre champ d'action au sillon déjà tracé dans l'épaisse moquette au fil des conversations passées autour du "meuble à téléphone". Surtout en France où le dit fil ne dépassait pas le mètre, contrairement aux Etats-unis qui nous rendaient jaloux en nous narguant dans leurs séries télévisées. Là-bas, il était possible d'aller couper du bois avant d'allumer un feu de cheminée sans pour autant arrêter la conversation ou de faire 3 fois le tour de la cuisine pour aller en plus jusqu'au broyeur de l'évier, que nous n'avions pas (et n'avons toujours pas) non plus et, où tant d'objets divers disparaissent à longueur d'"améri-conneries" (comme disait mon père). D'ailleurs, pas de scénario possibles sans ces 2 éléments indispensables à toutes intrigues dignes de ce nom. Le fil de 18 mètres de long et le broyeur, expliquant sans aucun doute le retard du cinéma français sur celui des étatsuniens. Mais pour en revenir à nos moutons (faudra m'expliquer d'où vient cette expression qui n'a rien à voir avec... nos moutons) le portable est venu foutre le bordel dans tout ça. En effet, combien de films et bouquins deviennent irritants et ringards, appelant sans cesse cette réflexion de désarroi et d'incompréhension : "Mais putain qu'est-ce qu'il attend pour prendre son portable ce con ?!"
Mais qu'en serait-il advenu si l'engin avait été inventé plus tôt ? Imaginons un peu Christophe Colomb téléphonant à la Reine Isabelle après avoir découvert l'Amérique :
"Allo Isa, c'est Chris."
- T'es où ? (ah, vous voyez, j'invente rien !)
- En Amérique !
- Houa, cool ! C'est trop d'la balle ! ça vaut le détour ?
- Pfff, laisses tomber, c'est bourré de sauvages à moitié à poil. Et qu'ont même pas de broyeur.
- Oh putain, les cons...
- Ouais, j'crois que c'est vraiment un trou à rat et qu'on en tirera jamais rien de ce coin pourri.
- Bon ben laisses tomber, rentres à la maison j'ai fait du pain d'épices.
- Ah ouais ?! On arrive alors, j'mets le turbo ! à tout'...
Preuve est faite que l'engin aurait foutu une belle merde. On aurai jamais connu les burgers et Mickey !
Autre exemple (on voit ici l'un des protagonistes commander 2 bières) :
- Allo, Adolphe, c'est Winston...
- T'es où ? (ah, je vous l'avais bien dit. Encore une fois !)
- On bouffe du camembert en Normandie with des potes and tu l'as in the baba !
- Beu, déconnes...
- Si si, you can dire à Eva de se laver les fesses, on arrive !
- Ach ya... ben tu lui enfoies ein texto parsk moi ich habe nicht envie de me prendre ein pain d'épice in die moustaches encore une fois !
Et voilà, cet engin nous aurait sans doute évité le plaisir de dévorer une bonne frisée aux lardons.
Un dernier pour finir :
- Allo Juliette, c'est papa, t'es où ? (nous constatons ici que quelque fois la question est même directe)
- Heu sur le balcon pourquoi ?
- Tu rentres dans ta chambre immédiatement sinon t'es privée de pain d'épices !
- Oh non merde, c'est pas cool, j'kiffe trop l'pain d'épice !... Bon Roméo, j't'enverrai un MMS de mes fesses mais lâches-moi maintenant.
Bref, c'est à se demander si cette invention va vraiment faire évoluer les choses. Plus moyen d'être tranquille. Plus d'excuse du genre "j'étais descendu acheter des clopes" ou "Désolé, j'étais aux toilettes" (vous noterez à l'occasion qu'on est toujours désolé d'être aux toilettes), vous êtes censé avoir greffé le boîtier infernal à votre main (pour ne pas dire ailleurs). N'avons-nous d'ailleurs pas tous été dérangé à un moment délicat, voir intense (lors d'une sieste crapuleuse, par exemple et au hasard), par un mari qui cherche ses chaussettes* ou un gamin qui a besoin qu'on vienne le chercher à l'école vu que les bus sont en grève ?! Fini la liberté que nous offrait ce bon vieux fixe tout en nous tenant en laisse dans notre salon. Nous en arriverons donc à la conclusion fort philosophique que finalement La liberté tue la liberté.
*Les histoires d'oncle Den
Les enfants, voici une petite astuce pour un papa cherchant ses chaussettes dans le noir pour ne pas réveiller la maisonnée : en partant du principe que ce papa a des chaussettes noires et d'autres marrons (quelle horreur !), il doit tout simplement prendre 3 chaussettes dans le tiroir. Arrivé à la lumière, il se rendra alors compte qu'il a au moins une paire de la même couleur. Qu'est-ce qu'on dit ? Merci oncle Den !
Quant à la chaussette restante elle laissera sans doute derrière elle sa compagne qui fera partie de cette collection de chaussettes solitaires, hantant nos fonds de tiroirs à tout jamais en une attente désespérée de revoir un jour sa partenaire de machine à laver. Ô combien de socquettes, combien de chaussettes noires, qui sont parties joyeuses pour des courses lointaines... mais vous connaissez la suite les enfants.
"Allez, maintenant au lit tout le monde. Magalie attend une minute mon petit, je vais te montrer une drôle de petite chaussette que tu vas m'aider à enfiler..."