Manouche du coche
La belle journée d'automne d'hier m'a poussé à enfourcher mon destrier cyclopédestre pour aller profiter des couleurs qui font tout le charme de cette saison. Muni de mon vieil appareil numérique, je partais à la chasse aux images pour nourrir mon blog photos.
Longeant les berges du Rhône, je me dirigeais vers le parc de Miribel qui devait me combler de ses couleurs.
A mi-chemin, un camp de manouche borde la piste cyclable. Ou sans doute est-ce la piste cyclable qui borde le camp. Arrivé à ce lieu très spécial où en général personne ne s'attarde pour profiter de la vue, quelle ne fût pas ma surprise de découvrir le camp totalement vide. Enfin, façon de parler. Les cicatrices restent nombreuses ainsi que quelques souvenirs des anciens occupants des lieux. Je décidais donc de faire une pause pour faire le tour de ce lieu qui restait mystérieux et impénétrable avant l'évacuation. Je les ai toujours vu là. Chiens et chats montaient la garde et l'ambiance n'invitait pas à l'apéro. Les éternelles Mercedes et caravanes attendaient patiemment le jour du départ depuis bien des années, entourées de monceaux d'ordures et d'objets non identifiables. Quelques femmes aux pulls bariolés passaient une gamelles à la main et des gamins se disputaient un jouet caduque avec les jeunes chiens fous et poussiéreux.
Et de me poser la question de la manière dont les choses avaient pu se passer. Nombres d'objets abandonnés montrent en effet que le départ a dû se faire de manière quelque peu précipitée. Ou est-ce la façon et l'état dans lequel les "gens du voyage" laissent un emplacement généralement ? Tel Hercule Poirot, je décidais de mener ma petite enquête à grandes envolées de suppositions et d'imagination. Les occupants avaient eu le temps d'améliorer l'endroit en construisant quelques cabanes en "dur". Un chalet, dont le sol en bois est totalement brûlé est accolé tel une moule sur son rocher à une caravane déglinguée en fin de vie qui ne repartira jamais sur les routes. Au centre, 2 bâtiments en béton. L'un servait à priori de WC avec sur un côté, ces grands éviers de béton qui font la gloire des campings, mais sans pour autant posséder l'eau courante. Et le fond des pissotières est même bétonné ! L'autre bâtiment, ressemble à des douches et une botte de radis ridés gît par terre entourée de quelques poivrons rouges non moins fripés. Ambiance...
Derrière, une esplanade invite presque à une partie de pétanque sous un grand arbre et j'y découvre d'ailleurs 2 boules rouillées abandonnées. J'imagine une fête manouche le soir autour d'un feu en me demandant si la vie en communauté n'était pas agréable dans un tel lieu, non loin du Rhône qui passe à quelques mètres. Mais de l'autre côté, le périph me rappelle que lui aussi est à quelques mètres, déversant son brouhaha incessant le long du talus qui le sépare du camps.
Près du chalet, une bagnole explosée dont le moteur a été remplacé par un énorme frigo planté à sa place me fait dire que la violence et l'intérêt pour la voiture sont omniprésent dans cet endroit où tout est mécanique, récupération et bricolage. Plus loin, une espèce de clapier composé de fer, de bois, de plastique, de mousse et autres matériaux est tapissé de paille. Pour les poulets, les lapins, les chiens ? J'ai déjà aperçu une niche à l'entrée et plus loin une énorme boîte à transport de chien. A côté de tout ce fatras, retour aux épaves de voitures calcinées (voir photosynthèse). Quelques portières propres, un capot de Citroën avec sa plaque d'immatriculation rutilante montre à nouveau un certain intérêt pour l'espèce motorisée. Plus loin encore, un stock de dizaine de bouteille de gaz...
Plus tard, un vieux lyonnais se pointe à vélo et j'arrive à lui soutirer 3 mots (chose exceptionnelle, mais je reste planté devant lui jusqu'à obtenir une réponse). Il m'explique qu'il a lu dans le journal qu'il va y avoir une centrale d'épuration d'eau. Je n'insiste pas plus, le vieux lyonnais est toujours retord (désolé Legio, mais tu es bien le seul à ne pas l'être. sans doute les voyages...)
Nombre d'entre nous ont été emmerdé par ces nanas manouches courbée, avec la main tendue, le gamins amorphe dans l'autre bras et miaulant un "s'yyyyou plé moussieuuuu". On peut aussi se dire que le trafic de pièce de bagnole devait faire partie de leur gagne-pain. Pourtant, quelque chose me dit que tout n'est pas blanc ou noir. Et les quelques objets personnels dispersés de-ci de-là me font penser que l'évacuation a dû être mouvementée. Les roms, les manouches, les gitans, les tziganes... ne serait-ce pas leur liberté qui nous gène le plus ? Le dialogue n'a pas l'air évident ceci dit. La mauvaise réputation leur colle aux baskets. J'avoue que j'ai du mal à me faire une idée sur tout ça. Y'a du bon, y'a du moins clean... Mais cette paire de "Liberto" abandonnée sur place me laisse un goût amer dans la bouche. Va comprendre...
Serions-nous parfaits, nous ?